À l’occasion du lancement d’un appel d’offres historique, le Royaume-Uni engage une mission de nettoyage orbital sans précédent. Objectif : désorbiter deux satellites britanniques en fin de vie d’ici 2028, grâce à un engin robotisé encore à sélectionner, développé et opéré depuis le sol britannique.
Une mission de nettoyage spatial dotée de 88 millions d’euros
Le gouvernement britannique franchit un cap décisif dans la gestion des débris spatiaux. L’UK Space Agency a officiellement lancé, début juillet 2025, un appel à candidatures pour une mission de désorbitation active (Active Debris Removal, ou ADR). Dotée d’un financement public de 88 millions d’euros (75,6 millions de livres sterling), cette mission prévoit de retirer deux satellites non manœuvrables en orbite terrestre basse (LEO) avant la fin 2028. Il s’agira de la toute première opération européenne visant à capturer plusieurs objets simultanément dans l’espace, à l’aide d’un véhicule autonome dont la conception, la fabrication et l’exploitation seront confiées à l’entreprise sélectionnée dans le cadre de cet appel d’offres.
Une cible bien précise : deux satellites sous licence britannique
Le cahier des charges précise que les deux cibles sont des satellites enregistrés sous juridiction britannique. Hors service, ils représentent un risque croissant de collision en orbite. Leur sélection repose sur des critères techniques et juridiques, notamment leur trajectoire, leur masse et l’absence de manœuvrabilité. Aucun nom n’est communiqué à ce stade, mais l’objectif est clair : tester une opération complexe sur des objets dont le Royaume-Uni est seul responsable, afin d’éviter toute difficulté diplomatique ou réglementaire.
Capture robotique en orbite : un défi d’ingénierie
L’agence impose que le véhicule de désorbitation soit robotisé et opéré de manière autonome. L’engin devra intercepter les deux cibles en orbite, les capturer en toute sécurité, puis déclencher une rentrée atmosphérique contrôlée. Ce type de mission impose des manœuvres complexes de rendez-vous, d’approche, de stabilisation, et de capture, dans un environnement à haute vélocité. À titre de référence, les objets en orbite LEO circulent à environ 28 000 km/h. L’entreprise retenue devra démontrer une maîtrise complète de la navigation autonome, de la gestion des débris et des mécanismes d’ancrage, sans assistance humaine directe.
Une échéance 2028 et une filière industrielle nationale
Le calendrier est fixé avec précision : la mission doit être opérationnelle avant fin 2028. L’appel d’offres est ouvert jusqu’au 19 septembre 2025, laissant aux candidats trois mois pour présenter un plan détaillé de conception, de fabrication, de test et de lancement. L’intégralité du projet devra être menée depuis le Royaume-Uni, ce qui inclut la production des composants, le développement logiciel, et les opérations de contrôle en vol. Cette exigence vise à soutenir l’écosystème spatial britannique, tout en garantissant la souveraineté technologique sur un segment critique de l’industrie orbitale.
Une politique spatiale qui devient opérationnelle
Ce programme s’inscrit dans la continuité du National Space Strategy et de la Space Industrial Plan britanniques, qui promeuvent depuis plusieurs années une approche active du nettoyage spatial. L’initiative fait également écho à l’engagement du Royaume-Uni au sein du Net Zero Space Charter, un pacte international signé en 2023 pour réduire les risques liés aux débris orbitaux. Ce n’est pas la première fois que le pays finance des projets dans ce domaine, des technologies de capture ont été testées par Astroscale UK et ClearSpace, mais jamais avec un budget aussi élevé, ni pour une mission aussi ambitieuse.
Une logique juridique et diplomatique maîtrisée
L’appel d’offres prévoit que seuls des satellites sous juridiction britannique soient visés par l’opération. Ce point est crucial : il permet d’éviter toute atteinte à la souveraineté d’autres États, en conformité avec le traité de l’espace de 1967. En désorbitant des objets dont le Royaume-Uni est l’unique responsable légal, la mission reste dans un cadre pleinement conforme au droit international. Elle pourra ainsi servir de précédent technique, mais aussi diplomatique, pour d’autres opérations similaires menées en Europe ou dans le cadre d’accords bilatéraux.
Une première étape vers un service orbital récurrent
Au-delà de l’impact immédiat, la mission est pensée comme un banc d’essai grandeur nature pour des services de maintenance orbitale à venir. Les technologies développées — navigation autonome, bras robotisés, propulsion de rentrée — pourront être réutilisées pour d’autres applications : remorquage de satellites, prolongation de vie, inspection technique. Si la mission réussit, elle pourrait ouvrir la voie à une filière pérenne de services orbitaux basés au Royaume-Uni, avec un potentiel d’exportation à long terme. Mais avant cela, il faudra faire la preuve que deux fantômes spatiaux peuvent bel et bien être ramenés sur Terre sans accroc.
En résumé :
- Le Royaume-Uni engage une mission de désorbitation active dotée de 88 millions d’euros (75,6 millions de livres sterling) pour retirer deux satellites hors service d’ici 2028.
- Les deux cibles sont des satellites enregistrés sous juridiction britannique, sélectionnés pour leur inactivité et leur risque de collision.
- Le véhicule spatial devra intercepter et capturer les deux objets de manière autonome avant de les désorbiter par rentrée atmosphérique.
- L’appel d’offres impose que la mission soit conçue, fabriquée et opérée depuis le Royaume-Uni, consolidant ainsi la filière nationale.
- Cette opération s’inscrit dans le cadre de la stratégie spatiale britannique et vise à concrétiser les engagements du pays contre la prolifération des débris.
- En ne ciblant que des objets nationaux, la mission reste conforme au droit spatial international et évite toute contestation diplomatique.
- Ce projet constitue une première étape vers la création de services orbitaux commerciaux récurrents à partir de technologies développées localement.
