À l’occasion de son assemblage final et des derniers tests validés, la mission SMILE (Solar wind Magnetosphere Ionosphere Link Explorer) entre dans sa phase terminale avant lancement. Pensée pour capturer les interactions entre le vent solaire et la magnétosphère terrestre, elle s’apprête à offrir un regard inédit sur une frontière invisible.
Une plateforme hybride pour une orbite sur mesure
Une structure modulaire issue d’une coopération internationale
Le satellite SMILE repose sur deux éléments distincts : une plateforme fournie par la China Academy of Sciences (CAS) et un module de charge utile développé par l’ESA. Le satellite atteint une masse au lancement d’environ 2 200 kilogrammes, incluant les instruments scientifiques et les ergols nécessaires à la mise en orbite. Il est conçu pour s’insérer sur une orbite elliptique terrestre fortement inclinée, permettant de survoler les régions clés de l’interaction solaire-terrestre.
Une orbite pensée pour l’observation globale
L’orbite prévue est particulièrement ambitieuse : elliptique, avec un périgée à environ 5 000 kilomètres d’altitude et un apogée culminant à 121 000 kilomètres, soit plus de 19 rayons terrestres. Cette trajectoire permet à SMILE d’observer en permanence la région du bow shock et de la magnétopause pendant la majeure partie de son cycle de 51 heures, avec une inclinaison orbitale de 70°. Ce choix orbital optimise la couverture du front solaire et des aurores, tout en minimisant l’exposition aux ceintures de radiations.
Une instrumentation dédiée à l’image et à la corrélation
SXI : capter les rayons X diffusés par les atomes neutres
Le Soft X-ray Imager (SXI) est au cœur de l’innovation technique de SMILE. Il utilise une optique à œil de homard permettant de capter un champ large de 15,5° sur 26° dans la bande des rayons X doux, entre 0,2 et 2,5 keV. Ce capteur permet d’imager l’émission produite par l’échange de charges entre ions du vent solaire et atomes neutres de l’exosphère. En imageant la magnétopause en rayons X, SMILE donne enfin accès à sa dynamique globale.
UVI : suivre les aurores dans l’ultraviolet
L’Ultraviolet Imager (UVI) permet quant à lui d’observer en continu les aurores polaires dans la bande de 160 à 180 nm. Cet instrument est conçu pour offrir une imagerie haute cadence des zones d’émission aurorale, avec un champ de vue fixe orienté vers les pôles. L’analyse corrélée des données UVI et SXI devrait permettre de relier, pour la première fois, les mécanismes d’accélération magnétosphérique aux manifestations optiques observables depuis l’espace.
MAG et LIA : mesurer le milieu traversé
Deux autres instruments viennent compléter l’ensemble : le Magnetometer (MAG) et le Light Ion Analyzer (LIA). Le premier est monté sur une perche rigide de trois mètres afin d’éviter toute interférence avec le satellite lui-même. Il fournit des mesures vectorielles du champ magnétique ambiant. Le second détecte la densité, la vitesse et la distribution directionnelle des ions légers du vent solaire. Ces mesures in situ sont essentielles pour comprendre les conditions précises dans lesquelles les événements observés à distance prennent naissance.
Des tests rigoureux avant le lancement
L’assemblage final validé par les deux agences
En mars 2025, les équipes de l’ESA ont intégré avec succès le module de charge utile européen sur la plateforme chinoise à l’ESTEC, le centre technique de l’agence basé aux Pays-Bas. Cet assemblage représente l’aboutissement de plusieurs années de collaboration entre ingénieurs des deux continents. À l’issue de cette intégration, SMILE est devenu un satellite opérationnel complet, prêt à subir l’ensemble des tests mécaniques, thermiques et vibratoires.
Une batterie de tests environnementaux exigeants
SMILE a été soumis à des essais simulant les conditions du lancement et de l’orbite. Les campagnes de vibrations, de vide thermique et de compatibilité électromagnétique ont été menées entre avril et juin 2025. Chaque instrument a été testé individuellement, puis en configuration intégrée, pour valider la robustesse du système. Le satellite a également passé avec succès les séquences de déploiement et les vérifications fonctionnelles des panneaux solaires et des antennes. L’ensemble des tests s’est déroulé sans anomalie majeure.
Trois mystères à résoudre pour comprendre l’environnement terrestre
Comprendre l’entrée du vent solaire
L’un des objectifs scientifiques majeurs de SMILE est de localiser précisément les zones d’entrée du vent solaire dans la magnétosphère. En imagerie X, il sera possible d’observer en temps réel l’ouverture et la fermeture des lignes de champ magnétique à la surface du bouclier terrestre. La mission espère déterminer si ces ouvertures sont localisées ou globales, permanentes ou transitoires.
Relier aurores et reconfigurations magnétiques
SMILE vise également à mieux comprendre le lien entre les aurores polaires et les événements de reconnexion magnétique dans la queue de la magnétosphère. Grâce à l’observation simultanée de l’ovale auroral (en UV) et du front magnétosphérique (en X), il sera possible de suivre les chaînes de causalité qui mènent à l’apparition de ces phénomènes lumineux.
Modéliser la météo spatiale de demain
Enfin, en combinant mesures globales et données in situ, SMILE fournira un ensemble cohérent de données pour améliorer les modèles de prévision de la météo spatiale. Ces avancées devraient notamment bénéficier à la sécurisation des satellites, des réseaux électriques et des futures missions habitées.
En résumé :
- SMILE est un satellite conçu par l’ESA et la Chine, combinant une plateforme fournie par la CAS et un module scientifique européen.
- Il sera placé sur une orbite elliptique de 5 000 à 121 000 km d’altitude, permettant une observation prolongée du vent solaire et de la magnétosphère.
- L’instrument SXI captera en rayons X l’interaction du vent solaire avec les atomes neutres à la frontière magnétosphérique.
- L’UVI suivra les aurores polaires dans l’ultraviolet pour relier optiquement les perturbations magnétiques.
- MAG et LIA assureront les mesures locales du champ magnétique et des ions légers, indispensables pour contextualiser les données à distance.
- Les tests d’assemblage, thermiques et mécaniques ont été passés avec succès au premier semestre 2025, validant la fiabilité du satellite.
- SMILE cherche à répondre à trois questions clés : où et comment le vent solaire pénètre-t-il la magnétosphère ? Quel lien entre reconnexion magnétique et aurores ? Comment mieux prédire les tempêtes solaires à venir ?
