
Pas de catalogue, pas de série, pas de compromis. Chez Crooked, la moto n’est pas un produit : c’est une pièce de caractère, pensée pour rouler autant que pour déranger les lignes.
Crooked Motorcycles artisanat d’angle droit
Dans leur atelier de Memmingen, au sud de l’Allemagne, deux passionnés ont décidé qu’il n’y aurait plus de motos ennuyeuses. Depuis 2018, Crooked Motorcycles transforme le deux-roues en objet de caractère, entre constructions uniques, séries limitées et collaborations pointues. Loin des tendances, le garage impose une esthétique technique et tendue, où chaque détail est pensé, où rien n’est laissé au hasard.
Lignes nettes pour idées tranchées
Rien n’est vraiment standard chez Crooked. Pas même leur manière d’aborder une moto. Chacune est démontée, repensée, raccourcie, modifiée, redessinée. Le style est dense, ramassé, presque brutal. Cadre retravaillé, selle tendue, feu arrière intégré, câblage invisible : l’épure ici n’est pas un effet de style, mais une exigence d’équilibre entre poids, proportions et usage. Le résultat n’est jamais décoratif. Il est mécanique.
Une base ouverte baptisée Series R
Parmi ses créations, Crooked propose une plateforme évolutive, baptisée Series R, conçue pour être configurée au cas par cas. Chaque exemplaire s’appuie sur un flat-twin BMW des années 1980 – en général un bloc de 650 à 800 cm³ – intégralement démonté et remis à neuf. L’électrique est simplifié, les faisceaux allégés, la ligne d’échappement recourbée à la main, et les composants modernes – comme les phares à LED ou les amortisseurs réglables – s’intègrent sans effet de rupture. Le guidon, bas et large, donne au pilote une position d’attaque. Le poids tourne autour de 200 kg, mais l’équilibre général rend la prise en main instinctive.

SuperScram un scrambler droit dans ses bottes
Pensée pour être emmenée sur route comme sur gravier, la SuperScram part d’une BMW R100 RS de 1981. Moins d’un litre de cylindrée, mais une présence qui déborde du gabarit. Crooked en a réduit l’empattement, renforcé le cadre, installé une fourche de Yamaha MT-07 et chaussé l’ensemble de pneus à crampons. La selle est découpée au plus juste, les commandes repositionnées, les carters polis à la main. Tout est pensé pour tenir la distance avec le moins de matière possible, et le plus de sensations à la clé.

L’électrique vient du nord
Crooked s’est également allié à RGNT, constructeur suédois de motos électriques, pour revisiter la Scrambler SE, un modèle à moteur de 11 kW (équivalent 125 cm³) alimenté par une batterie de 7,7 kWh. L’autonomie annoncée atteint 148 kilomètres. L’intervention du garage est totale : boucle arrière raccourcie, coque en aluminium, selle en cuir cousue à la main, phare repositionné et câblage intégré au cadre. L’électrique ici n’est ni masqué ni exhibé : il est absorbé dans une ligne compacte et musclée, pensée pour convaincre à la première prise en main.

Une tente, une moto, un seul projet
Avec Heimplanet, fabricant de tentes gonflables techniques, Crooked a imaginé une BMW R100R de 1993 comme compagnon d’expédition. Suspension longue course, pneus mixtes, rangements intégrés, protections renforcées, finition anti-rayures : chaque élément est calibré pour un usage prolongé hors des routes balisées. La tente et la moto se répondent, dans le choix des formes comme dans celui des matériaux. Un projet conçu pour rouler longtemps, loin, sans support ni attaches.

La batterie comme objet d’art
Pour Intact Battery Power, fabricant de batteries de démarrage haut de gamme, Crooked a transformé une Honda CB750F en machine radicale, sans habillage ni ornement. Le moteur quatre cylindres reste celui d’origine, mais tout ce qui l’entoure est reconfiguré : cadre allégé, éclairage minimaliste, peinture satinée, éléments structurels laissés visibles. Rien n’est là pour cacher. Même la batterie, souvent reléguée au second plan, devient ici partie intégrante du dessin, exposée comme un composant mécanique à part entière. La moto, d’apparence brute, est en réalité minutieusement équilibrée.

Une philosophie sans angle mort
Chez Crooked, les motos ne sont pas commandées. Elles sont discutées. Chaque projet commence dans l’atelier, autour d’un moteur d’occasion, d’un cadre rouillé ou d’un détail remarqué sur un salon. L’aluminium, le cuir, l’acier brut sont les seuls matériaux employés de façon systématique. Pas pour leur image, mais pour ce qu’ils permettent. Le superflu est supprimé, les choix sont assumés. Ici, on ne cherche ni la performance brute ni l’originalité forcée. Ce qui compte, c’est que chaque ligne ait un sens, et chaque élément, une raison d’être.
Et si la plus belle ligne droite, c’était encore celle qu’on ne trace jamais ?