
À l’occasion de son extension inaugurée le 13 mai 2025, Jean Zay change de dimension. Le supercalculateur français quadruple sa puissance et réaffirme son rôle moteur dans la souveraineté numérique européenne. Le supercalculateur Jean Zay, pilier du calcul scientifique national, vient d’entrer dans une nouvelle ère. Grâce à une extension majeure conduite par le CNRS et GENCI, il affiche désormais des capacités démultipliées. Une montée en puissance stratégique, pensée pour soutenir l’essor de l’intelligence artificielle, dans un contexte de compétition internationale exacerbée.
Une puissance brute au service de la recherche
Mis en service en 2019, Jean Zay avait déjà succédé au supercalculateur Turing en multipliant par dix les performances. Avec cette quatrième extension, dévoilée officiellement le 13 mai 2025, la machine atteint une capacité de 125,9 pétaflops en précision 64 bits — soit 125,9 millions de milliards d’opérations par seconde. Pour visualiser cet ordre de grandeur : l’ensemble de l’humanité, comptant à une opération par seconde, mettrait 182 jours pour faire en somme ce que Jean Zay effectue… en une seconde.
Des ressources matérielles massives
Cette montée en puissance repose sur une architecture hybride combinant CPU et GPU. Jean Zay 4 s’appuie sur 364 nœuds bi-processeurs Intel Xeon Sapphire Rapids de 48 cœurs chacun, soit 34 944 cœurs CPU, épaulés par 1 456 GPU Nvidia H100 de dernière génération. La mémoire vive totale atteint 186 To, dimensionnée pour les modèles d’IA fondation les plus complexes. Le tout est appuyé par une infrastructure de stockage de 100 pétaoctets, soit un million de milliards d’octets — une capacité vitale pour les jeux de données massifs.
Une convergence HPC / IA au cœur du design
La spécificité de Jean Zay, depuis sa création, est de proposer une infrastructure convergée, adaptée à la fois au calcul haute performance (HPC) traditionnel et aux nouveaux besoins de l’intelligence artificielle. Cette dualité se retrouve dans les choix techniques : architecture modulaire, interconnexion haute vitesse, accélérateurs massivement parallèles. Les applications vont de la simulation physique à l’entraînement de grands modèles de langage.
Une efficacité énergétique exemplaire
La puissance ne serait rien sans la maîtrise énergétique. Le système repose sur un refroidissement à eau tiède développé par Eviden (groupe Atos), capable d’absorber la chaleur produite par des milliers de composants sans recours massif à la climatisation. Signe d’une approche durable : la chaleur récupérée permet de chauffer l’équivalent de 1 500 foyers sur le plateau de Saclay. Une prouesse d’ingénierie thermique, intégrée dès la conception de l’infrastructure.
Une machine pour tous les domaines de la connaissance
Jean Zay est ouvert à la recherche publique à travers un système d’appels à projets encadré par GENCI et l’IDRIS. Des milliers de projets ont déjà profité de ses ressources gratuitement, dans des domaines aussi variés que la recherche biomédicale, l’astrophysique, la climatologie, l’agriculture de précision, ou la création de nouveaux matériaux. Tous les secteurs concernés par la donnée massive ou les modèles d’IA bénéficient directement de cette puissance.
Une dynamique exponentielle en intelligence artificielle
Depuis 2019, le nombre de projets IA sélectionnés chaque année a été multiplié par 20, passant de 72 à plus de 1 400 en 2024. Ce bond traduit non seulement une croissance des besoins, mais aussi l’efficacité des équipes d’accompagnement. Grâce à l’expertise humaine mobilisée par le CNRS, Jean Zay est devenu la machine la plus sollicitée d’Europe pour l’IA.
L’ossature de la future AI Factory France
Au-delà de ses performances, Jean Zay devient un pilier de l’AI Factory France, projet structurant porté par GENCI, le CNRS, Inria, le CEA et plusieurs pôles d’innovation. L’objectif est de créer une infrastructure intégrée dédiée à l’intelligence artificielle en Europe : calcul, formation, expertise, et partage de ressources. Jean Zay 4 s’inscrit ainsi dans une stratégie de souveraineté numérique où la France entend bien jouer un rôle moteur.
Des usages concrets et stratégiques
Trois projets phares ont été mis en lumière lors de l’inauguration. Polymathic, porté par François Lanusse (CNRS), applique l’IA générative à l’analyse d’observations astronomiques. Owkin, via Jean-Baptiste Schiratti, développe des modèles robustes pour l’analyse d’images médicales. Enfin, Pleias, cofondé par Pierre-Carl Langlais, conçoit des grands modèles de langage hors-ligne, traçables et alignés avec l’AI Act européen. Trois exemples d’une IA ouverte, utile, souveraine.
Une signature technologique et artistique
Jean Zay ne se contente pas d’aligner des téraoctets et des flops. Le design physique même du supercalculateur, signé par le collectif Obvious, spécialiste de l’art généré par IA, témoigne d’une volonté de croiser innovation scientifique et dimension symbolique. Une machine qui, au-delà des chiffres, incarne une culture de l’intelligence collective.
En résumé :
- L’extension du supercalculateur Jean Zay, inaugurée le 13 mai 2025, quadruple sa puissance pour atteindre 125,9 pétaflops.
- Il intègre 34 944 cœurs CPU, 1 456 GPU Nvidia H100, 186 To de RAM et un espace de stockage total de 100 pétaoctets.
- Jean Zay repose sur une architecture hybride HPC/IA pensée pour l’entraînement de modèles massifs et la simulation scientifique.
- Un refroidissement à eau tiède permet de récupérer la chaleur, utilisée pour chauffer 1 500 foyers du plateau de Saclay.
- L’accès aux ressources est gratuit pour la recherche publique, couvrant des domaines allant de l’astrophysique à la biomédecine.
- En cinq ans, les projets en IA ont été multipliés par 20, faisant de Jean Zay la machine la plus sollicitée d’Europe en la matière.
- Jean Zay est un maillon clé de l’AI Factory France, qui vise à structurer l’écosystème européen de l’intelligence artificielle.
- Trois projets phares — Polymathic, Owkin et Pleias — illustrent les usages scientifiques, médicaux et réglementaires de cette puissance.
- Le design du supercalculateur, signé Obvious, inscrit Jean Zay dans une culture de la technologie pensée comme langage esthétique.