Quel destin singulier que celui de Madame de Maintenon. D’abord épouse de l’écrivain à l’esprit acéré Scarron, puis gouvernante des enfants naturels du roi Louis XI, elle l’épousera d’ailleurs en secondes noces en 1683. Retour sur le parcours d’une amoureuse.
La naissance singulière de Françoise d’Aubigné
Françoise naît le 27 novembre 1635 dans les Deux-Sèvres de Constant d’Aubigné, fils du poète et ami du roi Henri IV, Agrippa d’Aubigné, et de son épouse Jeanne. La mère de Françoise est la deuxième épouse de Constant puisque celui-ci a assassiné sa première épouse et l’amant de cette dernière. Françoise va naître durant la captivité de son père que sa mère partage, faute de moyens financiers suffisants pour subvenir à ses besoins et à celui de son enfant. La petite Françoise va passer les premiers mois de son existence chez Madame de Villette, sa tante qui possède le château de Mursay au nord de Niort, puis s’installera en Martinique avec ses parents, son père occupant les fonctions de gouverneur de l’île de Marie-Galante. Mais loin de l’image féerique que l’on peut avoir de ces îles au nom évocateur de rêve, la famille vit dans la pauvreté et à cette époque là, l’île est en friche ou presque et le pouvoir y est détenu par des boucaniers.
Une existence misérable
Alors que le père de Françoise a laissé sa femme et leurs trois enfants dans une pauvreté crasse, celui-ci est reparti pour la métropole avec le dessein d’y faire reconnaître son titre (jusque là honorifique) de gouverneur. La famille d’Aubigné retrouve à son tour la métropole au décès du père de Françoise et s’installe dans un logement comprenant une pièce unique et vit de l’aumône. La famille vit dans le plus grand dénuement dans sa maison situé non loin du port de La Rochelle, ne contenant qu’une seule pièce pour accueillir Jeanne et ses trois enfants. Françoise va être à nouveau prise en charge par sa tante Madame de Villette alors que sa mère noie son chagrin dans les bras d’autres hommes. C’est alors que la vie de Françoise va prendre un tournant décisif grâce à sa marraine, Madame de Neuillant.

L’introduction dans le monde
Françoise, outre l’héritage peu glorieux laissé par son père, rencontre un problème. Elle vient d’une famille protestante du côte de ce dernier, bien que baptisée selon les préceptes du rite catholique, sa marraine va réussir à obtenir une lettre de cachet lui permettant de récupérer définitivement l’enfant et d’obtenir les droits sur cette dernière, et la placer dans un couvent à Niort d’abord puis à Paris. Devenue résolument catholique, François peut désormais accompagner sa marraine dans les salons parisiens que fréquente cette dernière. En 1652, Françoise alors âgée de 16 ans va épouser Paul Scarron, poète lettré et burlesque, de vingt-cinq ans son aîné. Dans le salon des époux Scarron se côtoient, des marquis, des hommes d’église, des officiers. La mariée n’a pas de dote à offrir qu’à cela ne tienne, Scarron va rédiger lui-même le contrat de mariage et indiquer que la dote de sa future épouse sera composée « de deux yeux fort mutins, d’un très beau corsage et de beaucoup d’esprit ». Rapidement, Françoise trouve sa place dans le salon de son érudit mari où elle va rencontrer d’illustres femmes lettrées telles que Madame de la Fayette, Madame de Sévigné ou encore Manon de Lenclos.
Le début d’une destinée royale
Paul Scarron resté handicapé à la suite d’un bain de nuit avant sa rencontre avec la jeune Françoise et si son esprit acéré fut remarquable, sa santé déjà fragilisée ne lui permis pas de vivre de nombreuses années et en 1660, l’écrivain s’éteint laissant Françoise criblée de dettes. C’est alors que la maîtresse officielle de roi Louis XIV, Madame de Montespan, lui propose de devenir la gouvernante des enfants qu’elle a eus avec le souverain. Les deux femmes se connaissent et la discrétion de Françoise, son érudition et son amour sincère pour les enfants lui firent accepter cette charge. Le roi aura pour cette femme si maternante avec ses enfants un véritable élan, mais Françoise doit faire face désormais à la jalousie grandissante de Madame de Montespan, si bien qu’elle ira jusqu’à indiquer au roi qu’elle entend démissionner de ses fonctions, la situation devenue particulièrement difficile à vivre. Celui-ci la gratifiera alors d’une rétribution extraordinaire de 100 000 écus pour qu’elle reste, ce qu’elle fera. Grâce à cet argent, elle va investir d’abord dans une ferme de tabac, qu’elle revendra un bon prix ce qui lui permettra d’acquérir le château et le titre marquise de Maintenon. C’est la perte de la fille aînée du roi et de Madame de Montespan qui fera basculer les sentiments du roi.

Une épouse royale
La perte de la fille aînée du roi va le plonger dans la plus grande tristesse, tout comme Françoise qui s’est réellement éprise des enfants royaux. C’est cette tristesse qui semble-t-il aura rapproché Françoise du roi, le souverain estima que Madame de Montespan fut moins touchée par la douleur de la perte de son enfant que Françoise. Par suite à ce tragique épisode, cette dernière obtint dès lors une place singulière dans la vie de Louis XIV qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa mort. Le roi la nomme « dame d’atours » de la dauphine Marie-Anne de Bavière et elle va désormais s’occuper des enfants de concert avec le souverain représentant à eux seuls, l’image de parentale. La disgrâce de Madame de Montespan est actée, puisqu’empêtrée dans des scandales à répétition, elle ne peut continuer de vivre à la cour. Pourtant, le roi qui a besoin d’une femme à ses côtés, va décider d’épouser dans le grand secret, Françoise d’Aubigné veuve Scarron, marquise de Maintenon le 10 octobre 1683. Elle est alors âgée de 48 ans. Si Madame de Maintenon et le roi entretiennent des relations que l’on pourrait qualifier d’époux en privé, en public, il n’en est rien même si on traite désormais Françoise avec la grande révérence. L’épouse du roi n’aura pas vraiment d’influence sur la politique du pays, mais obtiendra la création de la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr afin que des jeunes de bonnes familles sans le sou, puissent accéder à une éducation exceptionnelle leur permettant par la suite, de contracter un mariage avantageux. Le roi s’éteint en 1715, Françoise en 1719 à l’âge 83 ans.

Plus qu’une simple maîtresse, Madame de Maintenon est devenue, de la manière la plus discrète, l’épouse du roi Soleil et aura su marqué son temps par son intelligence et son érudition.
En résumé :
- Un destin hors du commun: Madame de Maintenon, née Françoise d’Aubigné, incarne un destin exceptionnel féminin au XVIIe siècle : de la misère à l’épouse secrète du roi Louis XIV, elle traverse les milieux sociaux grâce à son intelligence et sa discrétion.
- Une enfance marquée par l’adversité: Issue d’un passé familial sulfureux et d’une jeunesse dans la pauvreté, elle connaît une existence misérable entre captivité, Martinique coloniale et retour difficile en métropole, avant d’être soutenue par sa marraine influente.
- Une ascension sociale remarquable: Mariée au poète Paul Scarron, Françoise s’intègre dans les salons littéraires parisiens du Grand Siècle. Elle y côtoie des figures majeures de la culture française et construit sa réputation d’érudite discrète.
- Une figure maternelle à la cour de Versailles: En devenant gouvernante des enfants royaux, elle se rend indispensable à Louis XIV, incarnant une figure maternelle et bienveillante. Ce rôle lui vaut la confiance du roi et marque le début de son ascension à la cour de Versailles.
- Une épouse royale discrète mais influente: Épousée secrètement en 1683, Madame de Maintenon ne détient pas de pouvoir officiel mais influence profondément la vie culturelle et religieuse du royaume, notamment par la création de la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr, un projet éducatif novateur pour les jeunes filles nobles sans fortune.
