
L’histoire maritime est jalonnée d’exploits et de marins d’exception. Leurs bateaux ne sauraient être écartés de cette remarquable aventure.
Un défi exaltant : Pierre Ier
Trimaran de plus de 18 mètres conçu par VPLP et construit par JTA (Jeanneau Techniques Avancées) en kevlar et carbone, pour une largeur de 15 mètres, il est à la pointe de l’innovation. Doté de trois safrans et d’une surface de toile de 230 m², il possède un tirant d’eau de 2,88 mètres pour un tirant d’air de 27,5 mètres. Ses caractéristiques en font de facto, un bateau taillé pour la course, léger, maniable, rapide. Mais sans un remarquable marin pour le naviguer, il n’aurait pas eu la destinée qui fut la sienne. En 1990, skippé par Florence Arthaud, il va gagner la Route du Rhum, cette course en solitaire qui relie Saint-Malo à Pointe-à-Pitre, et franchir la ligne d’arrivée en 14 jours, 10 heures et 10 minutes. Il n’en faudra pas plus pour que la presse surnomme la navigatrice de « petite fiancée de l’Atlantique ». En 1993, l’homme d’affaires Steve Fossett va l’acquérir et le rebaptiser Lakota pour finir cinquième lors de la Route du Rhum de 1994. Depuis, le fameux bateau a connu plusieurs propriétaires et changé autant de nom. En 2022, il effectue un retour aux sources empreint de nostalgie et d’émotion : Géraldine Danon, qui prépare le film éponyme Flo, en hommage à son amie disparue, retrouve le trimaran et c’est Philippe Poupon, son mari et amie de Florence Arthaud, avec laquelle et contre laquelle il a navigué à plusieurs reprises, qui va barrer cette légende des mers, comme un dernier hommage. Il finira septième dans la catégorie Rhum Multi.

Un marin exceptionnel à la manœuvre
Naturellement, les performances du bateau comptent, mais l’audace, la détermination et les compétences du marin qui le manœuvre sont essentielles. Lorsque Florence Arthaud prend le départ de la Route du Rhum en 1990, elle intrigue tout autant que son bateau. Petite bout de femme, elle porte des bottes roses, et n’a pas hésité à choisir des bouts de la même couleur. Mais quelques semaines avant le départ, elle est victime d’un accident de voiture et sa participation à la célèbre course transatlantique est incertaine. L’abandon étant exclu, la navigatrice va prendre le départ de la course à bord de Pierre Ier. Elle s’élance donc avec les autres concurrents, malgré la douleur. La course, Florence Artaud la connaît puisqu’elle avait terminé onzième lors de sa première édition de 1978, remportée par Mick Birch, talonné par le français Michel Malinovsky, Olivier de Kersauson arriva quatrième. Ce petit bout de femme a démontré que les muscles seuls, s’ils peuvent s’avérer utiles, ne font pas tout. En quatorze jours, Florence Artaud est entrée dans l’histoire de la course au large, mais aussi et surtout dans l’histoire de la mer et des marins. Grâce à son audace, sa détermination et son talent, elle est devenue la première femme à remporter cette course mythique ouvrant ainsi la voie à bien d’autres marins qui, peut-être, n’auraient pas osé se lancer dans une telle aventure.
Un mastodonte des mers
Si Pierre Ier été fuselé pour la course au large, que dire du maxi trimaran Geronimo avec lequel Olivier de Kersauson et son équipage composé de onze marins, parmi lequel Marc Le Fur, Didier Ragot, Yves Pouillaude, tant il a été conçu pour battre les records ? Ses caractéristiques sont vertigineuses : il a été pensé par VPLP, comme Pierre Ier, mais la comparaison s’arrête là. Il mesure 33,80 mètres de long, pour une largeur de 21,10 mètres, son mât culmine à 39 mètres et sa surface de voile est de 535 m², pour un tirant d’eau de 5,15 mètres. Le 25 février 2004, Geronimo s’élance depuis la France avec un objectif précis : faire le tour du monde en moins de 80 jours, mais surtout, pour l’équipage, il s’agit de battre le record alors détenu par Bruno Peyron qui est alors de 64 jours 8 heures et 37 minutes de 2002. Si la fenêtre choisie est la meilleure, les conditions météorologiques vont jouer avec les nerfs de l’équipage et faire souffrir le bateau. Mais les premières heures de navigation sont idéales avec des pointes à 29 nœuds, mais bientôt encalminé pendant quelques jours dans ZCI (Zone de Convergeance Intertropicales) Geromino file, sans perdre de temps, mais sans en gagner. En revanche, la navigation dans les mers du Sud va ressembler à un jeu de massacre obligeant le bateau à se déplacer à sec de voile (sans voile hissée) à la vitesse de 20 nœuds, sans possibilité de ralentir. Enfin, la délivrance arriva le 29 avril 2004, après 63 jours de mer, 13 heures et 59 minutes, Geronimo finit sa course et bat le record de Bruno Peyron.

La légende d’un capitaine
Olivier de Kersauson fut le second d’Eric Tabarly pendant de nombreuses années. C’est au contact de cette légende des mers qu’il est lui-même devenu une légende. Lorsqu’il s’élance sur la ligne de départ pour battre le record de Bruno Peyron, il a pensé à tout, il a rêvé Geronimo. L’équipage est composé de marins à sa mesure, dotés d’une solitude expérience et capable d’obéir à ce capitaine hors du commun. Respecté tout autant qu’admirer, la réussite de ce challenge incombe à l’alchimie qui se fait dans ces conditions extrêmes, de froid , d’épuisement, de dépassement de soi, sous la houlette d’un homme qui dort peu, décide vite, agit et que l’on écoute sans douter. Si Tabarly a formé plusieurs générations de marins, Kersauson l’a également fait et ce qu’il dit de son capitaine, peut assurément être dit de lui-même. Quoi qu’il en soit, de cette aventure et de ce record du monde en 2004, il reste un exploit sportif et une aventure humaine hors exceptionnelle comme souvent en mer, qui transcende tout et ne souffre d’aucun faux semblant.
Les courses au large ne sauraient se résume à un exploit sportif : il s’agit de la rencontre d’un capitaine avec son bateau, puis la rencontre de l’équipage avec le bateau et le capitaine. Comme une histoire d’amour, en somme, c’est une histoire de rencontre.
En résumé :
- Pierre Ier, un trimaran légendaire : Conçu par VPLP et construit en kevlar et carbone, Pierre Ier incarne l’innovation dans l’histoire maritime. Ce trimaran de 18 mètres a marqué la Route du Rhum 1990 en combinant légèreté, vitesse et maniabilité extrême.
- Florence Arthaud, pionnière de la course au large : Première femme à remporter la Route du Rhum, Florence Arthaud a prouvé que l’audace en mer et la détermination surpassaient la force physique. Son exploit reste un symbole fort de l’héroïsme maritime féminin.
- Geronimo, un géant des océans : Le maxi-trimaran Geronimo, conçu pour les records de tour du monde à la voile, illustre la puissance des grands voiliers modernes. Ses performances impressionnantes, avec un tour du monde en 63 jours, témoignent des limites repoussées par la technologie navale.
- Olivier de Kersauson, capitaine d’exception : Formé auprès d’Éric Tabarly, Olivier de Kersauson a incarné la légende des navigateurs français. Son rôle clé dans la réussite du Trophée Jules Verne 2004 est l’exemple parfait du lien unique entre un marin, son équipage et son bateau.
- La course au large, une aventure humaine avant tout : Au-delà des performances sportives, les grandes courses transatlantiques racontent des aventures maritimes humaines faites de dépassement de soi, de cohésion d’équipage et de rencontres magiques entre l’homme et la mer.