
La philosophie fait intrinsèquement partie de la vie, même si nous n’y sommes pas sensibles, elle est partout. Mais elle ne vient pas de nulle part et dans cette BD, Catherine Meurisse nous dresse le portrait des philosophes en soulignant les grands principes développés par ces derniers.
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Le dessin comme support
Catherine Meurisse est une auteure de BD qu’il n’est plus utile de présenter, tant ses livres sont connus (La légèreté, Les grands espaces, Mes hommes de lettres, etc..). Dans chacun d’eux, elle décrit avec douceur ou nostalgie, quelques fois avec force, les tribulations de l’esprit et de l’âme. Dans Humaine trop humaine (clin d’œil à Nietzsche), elle a décidé d’aborder le thème de la philosophie en côtoyant les philosophes. Le lecteur va commencer l’ouvrage en découvrant une Catherine Meurisse chez l’esthéticienne pour une épilation du maillot, rendez-vous pris avant son rendez-vous galant avec… René Descartes. L’échange est surréaliste, mais tombe juste. Elle poursuit son exploration avec Voltaire qui, après un cauchemar dans lequel il devenait intolérant, la réveille et à qui elle va conseiller un comprimé de Leibniz (qui développe le concept de l’harmonie préétablie). Le passage sur Rousseau est particulièrement risible, sans parler des barbecues organisés par Socrate.

Une comédie sérieuse
Bien que le ton de la BD soit léger, les grands concepts philosophiques y sont abordés avec le plus grand sérieux, sans en avoir l’air. Ainsi, il est fait référence au Concept de l’angoisse développé par Soren Kierkegaard pour qui la vérité est un fondement subjectif et l’angoisse est le vertige de la liberté. Le lecteur se glisse aux côtés de Fénelon dans un échange absolument irrésistible. Fénelon rédige au XVIIe siècle De l’éducation des filles, ouvrage dans lequel il considère que la fille est d’abord la future mère et selon sa logique, l’éducation des jeunes filles est essentielle puisque ce sont elles qui auront la charge d’éduquer les enfants. La place de la religion et de la morale y est naturellement fondamentale. Se mettant en scène aux côtés des philosophes, Catherine Meurisse permet une immersion in situ dans la vie et les concepts philosophiques.
La Légèreté de Catherine Meurisse est une œuvre délicate et poétique pour conjurer l’horreur
La truculence du ton
Ce qui rend cette BD particulièrement singulière, c’est d’une part le thème qui y est abordé, celui de la philosophie, et d’autre part, le ton choisi par l’auteure. Catherine Meurisse met en scène des philosophes de toute époque, en posant sur eux un regard contemporain, ce qui occasionne des scènes particulièrement cocasses tout au long du récit, comme en témoigne le sort réservé à François de La Rochefoucauld (dont je ne révélerais rien, pour préserver la surprise de la lecture). De même, les mésaventures de Don Juan confronté aux réseaux sociaux et à l’évolution des mœurs ou encore la randonnée dirigée par Henry David Thoreau dans les montagnes qui se termine précipitamment. Enfin, on retrouve Hannah Arendt devenue membre du jury de l’émission « The Voice », après l’audition d’Adolf Eichmann. Absolument délectable.
Catherine Meurisse collabore aux illustrations du magazine « Philosophie magazine » dont se livre est l’émanation naturelle. Cette BD souligne avec humour, la prédominance masculine dans le domaine philosophique et des idées qu’ils pouvaient développer, en portant sur eux un regard venu du XXIe siècle donnant naissance à des situations particulièrement savoureuses. A lire, relire, offrir !
Editions DARGAUD, Catherine Meurisse, Humaine, trop humaine, 2022
En résumé :
- La philosophie accessible par la BD : Humaine trop humaine rend la philosophie vivante et accessible grâce à la bande dessinée humoristique. Catherine Meurisse met en scène de grands penseurs avec légèreté, tout en abordant des concepts profonds comme l’angoisse existentielle de Kierkegaard ou l’harmonie préétablie de Leibniz.
- Un regard contemporain sur les grands philosophes : L’auteure offre une relecture moderne de figures emblématiques comme Descartes, Rousseau, Voltaire ou Hannah Arendt, intégrant des références actuelles (réseaux sociaux, émissions TV) pour souligner l’intemporalité de la pensée philosophique.
- L’humour au service des idées : Par son style narratif décalé et des dialogues cocasses, la BD s’impose comme une comédie intellectuelle qui vulgarise les grands courants philosophiques tout en critiquant, avec finesse, la prédominance masculine dans l’histoire des idées.
- Une immersion ludique dans l’histoire de la philosophie : En se mettant en scène aux côtés des philosophes, Catherine Meurisse propose une expérience immersive, où le lecteur apprend sans en avoir l’air, à travers un mélange réussi de dessin, satire et réflexion.
- Un outil culturel et pédagogique : Cette œuvre est une ressource précieuse pour les passionnés de philosophie illustrée, mais aussi pour les curieux souhaitant découvrir autrement les bases de la pensée critique et les grands courants philosophiques occidentaux.