La Légèreté de Catherine Meurisse est une œuvre délicate et poétique pour conjurer l’horreur

La Légèreté de Catherine Meurisse est une œuvre délicate et poétique pour conjurer l'horreur

La Légèreté est le livre d’une reconstruction, difficile, chaotique, d’une force incroyable. L’histoire délivrée y est racontée avec beaucoup de délicatesse et de raffinement au milieu de l’horreur.

Une histoire personnelle dans l’histoire collective

L’histoire de Catherine Meurisse est connue, comme celle de tous les survivants et de tous les morts de Charlie. Le 7 janvier 2015, l’histoire de la France prend une tournure tragique, celle de Catherine Meurisse une dévastation totale sous les yeux d’une Nation en état de choc. Durant de longs mois, la dessinatrice, qui avait intégré l’équipe de Charlie Hebdo en 2005, va tenter de retrouver une place dans ce monde qui lui a pris ses amis, ses collègues, ceux avec lesquels elle a appris son métier de dessinatrice de presse. Dans son livre, elle raconte le quotidien forcément bousculé par l’absence, l’horreur, l’impensable, mais aussi comment elle a tenté de s’extirper de ce néant toujours grandissant, celui de la mort.

La Légèreté -Quatrième de couverture
La Légèreté -Quatrième de couverture

Une destruction soudaine

Lorsque Catherine Meurisse arrive au journal en ce début de mois de janvier 2005, elle est en retard à la suite d’une rupture sentimentale. Alors qu’elle arrive dans la rue Nicolas Appert, Luz l’interpelle pour lui demander de ne pas monter dans les locaux de Charlie Hebdo, s’approchant de lui, il lui apprend qu’il y a une prise d’otages, puis tout s’accélère. Il leur faut trouver un abri, puis les bruits d’une fusillade leur parviennent. La suite, c’est le néant qui va s’installer, puisque ce ne fut pas une prise d’otages, mais l’exécution de toute une rédaction en plein travail et en plein jour, à Paris, en France. A partir de ce jour, on va suivre Catherine Meurisse qui témoigne du néant dans lequel elle se retrouve. Elle décrit son impossibilité à dessiner à nouveau, les idées qui ne viennent plus, les mots qu’elle couche sur le papier, en vain. Désormais, et pour un temps certain, elle va vivre sous protection rapprochée, comme tous les survivants.

Le chant des océans d’Olivier de Kersauson : un autre regard sur le monde et ses vicissitudes

Des tentatives de survie

Le lendemain du bouclage du numéro des survivants, Catherine Meurisse va perdre la mémoire. De là, elle ne va cesser de se battre pour retrouver un semblant de vie « normale ». Ses amies lui proposent une virée à Cabourg, sur les traces de son auxiliaire de vie, Marcel Proust. Entre thé, madeleine et le Grand Hôtel, elle tente de retrouver quelque chose, une ambiance, une trace, un souvenir, mais seul le vide lui répond. De retour à Paris, la protection statique en bas de sa rue, les cauchemars, alors une autre idée germe : le retour aux sources. Direction les grands espaces, retour chez ses parents, balades en forêt avec sa mère, la tentative délicate et rassurante pour retrouver les souvenirs, se retrouver. Dans l’intervalle, la France est Charlie, mais les cauchemars continuent, alors direction les consultations psy, la dissociation, puis la marche, les millions de témoignages en soutien. Puis une idée : Stendhal ! Comme un eurêka évident, elle prend la direction de l’Italie en quête du syndrome de Stendhal, que la beauté écrase le massacre.

Une ode à la vie poétique

L’ouvrage de Catherine Meurisse est surtout une ode poétique à la survie, qu’elle tente de manière artisanale, à tâtons, avec une immense délicatesse, La légèreté aborde le sujet intime du traumatisme, de la perte, du néant lié à une disparition qui occupe une place remarquablement lorsque cette perte est violente, brutale, injuste. Catherine Meurisse livre ici un témoignage infiniment personnel, d’une force inouïe avec, et c’est là tout le talent de l’auteur, une poésie dans le dessin, dans le texte extraordinaire.

Bien plus qu’un livre, cette histoire fut durant un temps, ma bouée et mon « auxiliaire de vie ». Merci Catherine Meurisse pour ce témoignage. Un chef-d’œuvre tout en délicatesse.

En résumé :

  1. Un témoignage bouleversant : Dans La Légèreté, Catherine Meurisse raconte sa reconstruction après l’attentat de Charlie Hebdo, livrant une histoire personnelle du traumatisme liée à un événement majeur de l’actualité française.
  2. Une quête de résilience : L’autrice explore son chemin de guérison après une destruction soudaine, en abordant la perte, l’impossibilité de créer, et la lente reconquête de soi dans un monde en deuil.
  3. Entre mémoire et renaissance artistique : Le livre met en lumière la fragilité de la mémoire traumatique et la manière dont l’art, la nature et la littérature (notamment Marcel Proust) deviennent des ressources pour survivre.
  4. Une ode à la poésie de la vie : Avec une grande finesse, Meurisse transforme son expérience en une œuvre poétique et intime, un hommage à la création comme résilience face à l’horreur.
  5. Un chef-d’œuvre de bande dessinée engagée : La Légèreté s’impose comme un livre graphique essentiel, à la croisée de la bande dessinée autobiographique, de l’art-thérapie et de la mémoire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social profiles