Tout le monde ou presque connaître Françoise Giroud, la journaliste, l’alter égo de Jean-Jacques Servan Schreiber. Mais connaissez-vous l’histoire de la femme derrière le personnage public ?
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Une femme de tempérament
Dès la première ligne, tout est dit : François Giroud le déclare, elle est une femme libre. Elle précise, le dit sans orgueil, mais avec gratitude à l’égard de ceux qui l’ont aidée à être ce qu’elle est. La liberté est quelque chose de fondamental pour cette femme de lettres qui a vu le jour au sein d’une famille bourgeoise, mais dont le destin bascule lorsque le père de Françoise décède, cet homme qui souhaitait un garçon. Entourée de femme, elle va entreprendre à Paris, des études pour devenir secrétaire et sortira diplômée de la formation dispensée par la célèbre marque de machines à écrire, Remington. Elle commence à travailler à l’âge de quatorze ans, et pour celle issue d’une famille bourgeoise, elle va connaître les affres du déclassement. Comme elle le dit si bien, elle n’a pourtant jamais vraiment été libre puisque toujours salariée, mais aussi et surtout, parce qu’elle dépendra toujours soit des lecteurs, soit de son employeur. Mais son tempérament va la hisser au sein de la hiérarchie sociale et de l’Etat, grâce à son intelligence et sa détermination.

L’histoire d’une femme complexe
Françoise va faire la connaissance de l’un des hommes de vie en la personne de Jean-Jacques Servan Schreiber, alors marié à l’écrivain Madeleine Chapsal. Ensemble, ils vont fonder le premier magazine d’actualités en France : L’express. Il est tout ce que Françoise n’est pas, mais l’inverse est tout aussi vrai. S’il est le pan, elle est la besogneuse. Ces deux personnalités singulières vont se connaître et se reconnaître au point de former, d’abord une équipe hors pair, et ensuite un couple illégitime qui fera rêver le Tout-Paris. Au fil des pages, l’amour et l’admiration qu’elle porte à cet homme, ce rocher dans sa vie qui pourtant la meurtrie terriblement, est unique, au point d’en être indescriptible. Mais réduire ce livre à cette seule évocation, ne serait pas rendre l’hommage qui revient à cette femme, car Françoise Giroud s’y livre avec une acuité, un recul remarquablement lucide. Au fil des pages, ce n’est pas tant l’histoire d’amour unissant ces deux êtres qui se dessine, que les contours d’une femme résolument moderne, érudit, mais aussi blessée, marquée par la perte d’un père, la trahison des hommes et l’amour d’autres. Elle livre ici, un témoignage sans fard.
Une prose remarquable
Françoise Giroud est avant tout, une femme de lettres. Je crois très sincèrement, que la liste des courses sous sa prose, deviendrait pour moi un délicieux moment de lecture, tant le rythme des phrases, le choix des mots sont particulièrement soignés et précis. On retrouve d’ailleurs cette notion de précision tout au long de cette lecture. Les figures de styles y sont chirurgicales, le style enlevé, le langage soutenu, sans être élitiste ou méprisant. Le récit est à l’image de cette femme qui a marqué de son style, de son rôle et de ses engagements, toute une époque. Sous sa plume, et bien que trop jeune pour l’avoir vécu ou m’en souvenir, je suis dans les locaux de L’express, je la croise, le vois, l’entends. Dans un style élégant, Françoise Giroud raconte ses combats, nombreux, mais également la perte de l’envie de combattre, la perte de son journal, la perte de son amant. Les pages se tournent à la vitesse grand V tant le lecteur est happé par les descriptions, les doutes que l’auteur ne tente pas de dissimuler, les certitudes qu’elle ne cache nullement, et surtout cette foi inébranlable en elle, alors qu’elle vient de commettre l’irréparable sur sa propre personne. Ce livre est véritablement à mettre entre les mains de tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la petite histoire dans la grande.
Si j’avais un a priori positif sur le personnage, j’ai été emportée par la sincérité et le talent de cette femme, dont le seul nom pourrait résumer ce qu’est, être une femme. Une lecture bouleversante, que je recommande vivement.
En résumé :
- Françoise Giroud, femme libre et engagée : Issue d’une famille bourgeoise déchue, Françoise Giroud revendique sa liberté dès son plus jeune âge. Son parcours personnel reflète la lutte des femmes pour l’émancipation dans une société patriarcale. Femme de caractère, elle incarne une figure forte de la condition féminine au XXe siècle.
- Une trajectoire marquée par le déclassement social et la résilience : De secrétaire formée chez Remington à cofondatrice de L’Express, Giroud a su briser les barrières sociales grâce à sa détermination. Son histoire illustre la mobilité sociale féminine et les défis du travail des femmes dans l’après-guerre.
- Une relation fondatrice avec Jean-Jacques Servan-Schreiber : Le duo qu’elle forme avec JJSS symbolise un partenariat aussi intellectuel qu’intime. Leur histoire, complexe et passionnée, éclaire les liens entre journalisme politique et vie sentimentale dans les sphères de pouvoir de la France d’après-guerre.
- Une écriture puissante au service de la vérité : Giroud brille par une prose élégante, précise et accessible. Ce témoignage littéraire est un exemple de narration autobiographique lucide, où elle mêle intimité, engagement et regard critique sur sa vie et son époque.
- Un récit féministe et intemporel : Ce livre n’est pas seulement une confession, c’est un acte de mémoire. Il s’adresse à toutes celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire des femmes journalistes, à la construction de l’identité féminine, et aux combats encore actuels pour l’égalité.
